Compte courant dans la société

Quelles sont les conséquences d"un compte courant dans la société?

Compte courant dans la société

I. Qu’est-ce qu’un compte courant ?

1. Peut-on comparer un compte courant à un compte bancaire?

Oui. Le dirigeant d’entreprise (gérant ou administrateur) ou même l’actionnaire peut avoir un « compte » dans sa propre société, sur lequel ses opérations personnelles sont comptabilisées.

Quand quelqu’un verse de l’argent sur son compte bancaire, il a un crédit sur sa banque. Lorsque vous versez de l’argent à votre société, vous avez aussi un crédit sur votre société.

À l’inverse, vous pouvez avoir une dette vis-à-vis de votre société si vous prélevez de l’argent sur le compte bancaire ou dans la caisse de votre société. L’argent de votre société n’est, en effet, pas votre argent, même si vous êtes l’actionnaire unique de celle-ci.

Un compte courant indique donc combien un dirigeant doit à sa société ou combien celle-ci doit à son dirigeant.

 

II. Vous devez de l’argent à votre société

1. Comment apparaît un compte courant débiteur?

1.1. L’argent de votre société n’est pas votre argent

Il arrive fréquemment que la société dispose de sommes importantes sur son compte bancaire et que son dirigeant ou actionnaire ait des besoins financiers.

On peut, dans ces circonstances, octroyer une rémunération plus importante au dirigeant, mais cela signifie plus d’impôts. En effet, plus vos rémunérations sont importantes, plus vous payez des impôts à des taux élevés. Déjà à partir de 40.480 € (montant pour l’année de revenus 2019), vous payez le taux le plus élevé de 50 % (art. 130 CIR 92 et art. 178 CIR 92 concernant l’indexation annuelle). Il faut y ajouter les additionnels communaux ce qui aboutit à un taux d’imposition total d’environ 54 %. Et comme si cela n’était pas suffisant, cette rémunération sera égale­ment soumise aux cotisations sociales (20,5%).

La tentation est donc grande de simplement prélever de l’argent de la société sans lui accoler l’étiquette de « rémunération ». Dans ce cas, on ne supporte, en effet, pas d’imposition ni de cotisations sociales. Mais un élément est parfois oublié: il ne s’agit pas alors de votre argent, mais de l’argent de la société. Cela signifie que ce qui est versé devra être remboursé...

Pour les personnes qui étaient auparavant indépendantes en personne physique et qui sont maintenant en société, cela n’est pas toujours simple. Auparavant, ils pouvaient librement percevoir ce qui subsistait après le paiement des fournisseurs et le remboursement des dettes. Une fois en société, ce n’est plus le cas. L’argent de la société, n’est pas l’argent du dirigeant.

 

1.2. Vous retirez de l’argent du compte de votre société

Vous pouvez transférer de l’argent du compte bancaire de votre société vers votre compte bancaire personnel. Vous pouvez également retirer de l’argent liquide de la caisse de votre société. Dans ces deux cas, on parle de « retraits directs ».

 

1.3. Vous payez des dépenses personnelles avec la carte de votre société

Il est aussi possible que vous payiez des dépenses privées au moyen de la carte bancaire ou de la carte de crédit de votre société. Vous n’êtes pas supposé payer des dépenses privées avec les fonds de la société. Dans ce cas, on parle de « retraits indirects ». Vous n’avez, en effet, pas retiré directement de l’argent de votre société, mais votre société a supporté des frais qui sont, en fait, des dépenses personnelles.

Toutes les dépenses qui sont de la sorte comptabilisées sur votre compte courant doivent tôt ou tard être remboursées à la société. Lorsque vous utilisez la carte bancaire de votre société pour payer des dépenses personnelles, vous ne faites rien d’autre que d’acheter à crédit…

Ces dépenses privées ne peuvent pas être reprises dans les « dépenses non admises » de la société. Le fait de reporter des dépenses privées dans les dépenses non admises n’empêche pas le fisc de vous imposer sur un avantage en nature. Dans ce cas, vous êtes redevable de l’impôt et des cotisations sociales sur le montant de l’avantage en nature.

 

1.4. Comptabilisation de vos avantages en nature dans votre compte courant

Si un dirigeant habite gratuitement dans une maison qui appartient à sa société ou s’il roule gratuitement avec un véhicule de société, ce dirigeant est alors imposé sur un avantage en nature. Ces avantages en nature sont souvent, en pratique, comptabilisés au compte courant du dirigeant d’entreprise. De cette manière, vous payez la société pour l’usage privé. C’est, en pratique, une des raisons les plus fréquentes de l’apparition d’un compte courant débiteur.

La comptabilisation d’un avantage en nature dans le compte courant doit en principe intervenir pour l’exercice comptable au cours duquel l’avantage est accordé.

 

1.5. Le dirigeant est lui-même client de sa société et la facture n’est pas payée

Le dirigeant est aussi client de sa société. Il arrive que les factures restent impayées et se retrouvent dans les comptes clients ouverts.

Si un contrôleur demande un aperçu des clients qui n’ont pas encore payé leurs factures à la fin de l’exercice comptable, on regarde alors si le délai de paiement est normal, en comparaison aux autres clients. Souvent, la conclusion est que le délai de paiement normal pour les autres clients a expiré depuis longtemps.

Le fisc pourra considérer le compte clients ouvert comme un compte courant débiteur.

 

2. Une dette envers votre société, est-ce si grave?

2.1. Retirer autant d’argent qu’on veut de la société?

Strictement parlant, il n’y a pas de limitation aux retraits que l’on peut opérer au compte courant, mais il convient d’être attentif à la situation financière de la société. Le dirigeant peut, en effet, être tenu responsable d’un éventuel abus de biens sociaux.

 

2.2. La dette n’est quand même pas imposable à titre privé?

Lorsqu’un dirigeant retire de l’argent de sa société sous une forme autre que de la rémunération, ce n’est pas imposable sur le plan privé. Mais le fisc est, dans ce cas, d’avis qu’on reçoit un avantage (art. 18, §3, 1°, d AR/CIR 92). Le dirigeant reçoit en effet un prêt sans intérêt. Si vous aviez eu recours à un emprunt auprès d’une banque, vous auriez payé des intérêts.

 

2.3. Déduire fiscalement les remboursements effectués comme frais professionnels?

Non! La dette en compte courant vis-à-vis de la société n’est pas un revenu imposable à titre privé. Les remboursements (partiels) de la dette à la société ne constituent pas non plus des charges professionnelles déductibles dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques. Cela vaut aussi pour les intérêts que vous payez à votre société sur votre compte courant débiteur.

 

3. Payer un intérêt sur le compte courant débiteur?

3.1. Pourquoi payer spontanément des intérêts?

Il n’y a pas d’obligation de payer spontanément des intérêts à la société sur le compte courant débiteur. Il est toutefois possible que vous travailliez dans une société qui fait partie d’un groupe qui a adopté des règles strictes en ce qui concerne les comptes courants débiteurs et que vous soyez obligé de payer des intérêts…

D’autre part, vous pouvez espérer qu’en payant spontanément des intérêts à votre société, vous ne serez plus embêté par le fisc... Celui-ci considère qu’avoir une dette envers sa société sans payer d’intérêts n’est pas possible !

 

3.2. Devez-vous établir un contrat écrit qui précise le taux d’intérêt applicable?

Si vous décidez de payer des intérêts à votre société, il n’est pas obligatoire d’établir un contrat écrit. Un accord verbal est en principe suffisant.

Il peut être conseillé de mettre les choses par écrit. De cette manière, il est toujours plus facile d’exposer les choses au fisc en cas de contrôle fiscal.

Vous êtes, en principe, libre de déterminer le taux d’intérêt que votre société va vous réclamer.

Si le taux d’intérêt est inférieur à celui que le fisc publie chaque année (art. 18, §3, 1°, d AR/CIR 92), vous pouvez, comme dirigeant/gérant être imposable sur la différence au titre d’un avantage en nature (art. 18, §4, AR/CIR 92).

Afin d’éviter cela, tenez compte du taux d’intérêt annuel fixé par arrêté royal pour les intérêts débiteurs fictifs.

 

3.3. Comment les intérêts doivent-ils être calculés?

Si vous avez choisi de payer des intérêts, vous êtes libre de déterminer comment ils sont calculés : sur base annuelle, sur base mensuelle, sur base journalière...

Du point de vue fiscal, vous devez, en principe, calculer les intérêts sur une base mensuelle (art. 18, §3, 1, e, 3° AR/CIR). Toutefois, s’il y a très peu de mouvements sur votre compte courant au cours de l’exercice, le fisc peut accepter de calculer les intérêts sur une base annuelle.

 

3.4. Retenir du précompte mobilier sur les paiements d’intérêt ?

Celui qui paie des intérêts doit, en principe, retenir du précompte mobilier. Le taux du précompte mobilier sur les intérêts est toujours de 30% (art. 269, §1, 1° CIR 92). Toutefois, lorsque des intérêts sont payés à une société belge, le débiteur n’est pas obligé de retenir un précompte mobilier.

Vous ne devez donc pas, en tant que dirigeant d’entreprise, retenir de précompte mobilier pour les intérêts payés à votre société.

 

3.5. Devez-vous effectivement payer les intérêts ou peuvent-ils être simplement comptabilisés sur votre compte courant?

Deux options sont possibles: vous pouvez réellement verser le montant des intérêts à la société ou laisser la société les comptabiliser et les ajouter au solde de votre compte courant (on parle alors de capitalisation des intérêts).

L’inconvénient de la deuxième option est que les intérêts capitalisés vont venir gonfler votre compte courant et serviront eux-mêmes de base au calcul des intérêts pour la période suivante, il peut donc y avoir un effet « boule de neige ».

 

3.6. Pouvez-vous déduire les intérêts payés dans votre déclaration fiscale?

Non! Comme indiqué ci-dessus, votre dette en compte courant n’est pas un revenu imposable. En conséquence, son remboursement et le paiement d’intérêts sur celle-ci ne constituent pas des frais professionnels déductibles.

 

4. Vous ne payez pas d’intérêt à votre société

4.1. Est-ce admis?

En théorie oui, mais dans ce cas, le fisc va considérer que votre société vous octroie un avantage en nature en vous accordant un prêt sans intérêt.

 

4.2. Ecirc;tes-vous imposable personnellement si votre compte courant débiteur ne porte pas intérêt ?

Oui! Le fait de prélever des sommes en compte courant revient à ce que votre société vous accorde un prêt sans intérêt. Si vous empruntiez de l’argent à la banque au lieu de l’emprunter à votre société, la banque vous porterait naturellement des intérêts en compte....

Le fisc considère alors que lorsque vous empruntez gratuitement de l’argent à votre société, vous êtes imposé sur un avantage « emprunt gratuit»(art. 32 CIR 92 et art. 18, §3, 1°, d AR/CIR 92). Des intérêts débiteurs fictifs sont alors imputés, qui sont en principe ajoutés à votre rémunération et donc imposés comme s’il s’agissait d’une rémunération.

 

4.3. Combien cela va-t-il vous coûter?

Malheureusement, on ne choisit pas! Le taux de ces intérêts débiteurs fictifs, votre avantage «emprunt gratuit» donc, est fixé chaque année par la loi. Ce pourcentage est publié au Moniteur belge (pour l’année de revenus 2018: AR du 17.03.2019 – MB du 01.04.2019).

Attention! La publication du taux a toujours lieu au début de l’année qui suit l’année à laquelle s’applique le taux. Au cours de l’année durant laquelle vous bénéficiez de l’avantage de toute nature, vous ne savez donc pas encore à combien s’élève cet avantage et donc vous ne connaissez pas le montant de l’impôt qui sera dû.

Les pourcentages pour les dernières années sont les suivants :

2014

9,20%

2015

8,16%

2016

9,27%

2017

8,78%

2018

8,94%

 

Vous remarquerez que ces taux sont relativement élevés... Vous avez prélevé un montant de 20 000 € le 1er janvier 2018 et cette somme n’a pas été remboursée le 31 décembre 2018, l’avantage en nature sera fixé à 1 788 €. Tenant compte d’une charge fiscale et sociale d’environ 60 % (50% IPP, taxes communales et cotisations sociales), cela vous coûtera 1 073 €.

 

4.4. Comment cet avantage en nature est-il calculé?

La loi prévoit que les intérêts fictifs doivent être calculés par mois sur le montant moyen du solde débiteur (art. 18, §3, 1°, e, 3° AR/CIR 92).

En pratique, lorsqu’il y a très peu de mouvements au cours de l’année sur le compte courant, le fisc admet que l’on procède de la manière suivante (Com. IR 36/87). Le montant de la dette en compte courant au premier jour de l’exercice est additionné avec le montant de la dette au dernier jour de l’exercice, ce total est ensuite divisé par deux. De cette manière, on obtient le montant moyen du compte courant au cours de l’exercice sur lequel on applique le taux d’intérêt prévu par la loi.

Exemple de calcul sur base annuelle

la dette au 01.01.2018 s’élève à 20 000 €
la dette au 31.12.2018 s’élève à 30 000 €
votre avantage en nature est de : (20 000 € + 30 000 €) / 2 = 25 000 € x 8,94 % = 2 235 €

 

Si il y a eu des mouvements importants sur le compte courant au cours de l’année, alors le calcul doit s’effectuer mois par mois.

Exemple de calcul sur base mensuelle

dette au 01.01.2018 : 20 000 €
prélèvement le 06.02.2018 : 15 000 €
remboursement le 17.10.2018 : 3 000 €
remboursement le 24.12.2018 : 2 000 €
avantage janvier : 20 000 € x 8,94 % x 1/12 = 149 €
avantage février : (20 000 € + 35 000 €) / 2 x 8,94 % x 1/12 = 204,88 €
avantage de mars à septembre : 35 000 € x 8,94 % x 7/12 = 1 825,25 €
avantage octobre : (35 000 € + 32 000 €) / 2 x 8,94 % x 1/12 = 249,58 €
avantage novembre : 32 000 € x 8,94 % x 1/12 = 238,40 €
avantage décembre : (32 000 € + 30 000 €) / 2 x 8,94 % x 1/12 = 230,95 €
total avantage en nature : 2 898,05 €

Vous remarquerez que l’avantage en nature est, dans ce cas, plus important que dans le cas du calcul sur base annuelle, alors que la situation au début et à la fin de l’année est la même.

Inversement, le calcul sur base mensuelle peut, dans certains cas, être plus favorable que le calcul sur base annuelle. Cela sera le cas lorsque votre compte courant augmente significativement juste avant la fin de l’année.

Par exemple, si votre compte était à zéro le 1er janvier et à 10 000€ le 1er novembre, un calcul par mois est bien plus avantageux.

Regardez comment votre comptable calcule l’avantage en nature.

Quand vous prélevez une grosse somme d’argent le 2 janvier et que vous la remboursez le 30 décembre, il n’y a pas de dette qui apparaît dans le bilan de votre société. Vous pouvez penser que, dans cette situation, il n’y a pas lieu de calculer un avantage en nature. Mais l’historique du compte courant peut être demandé par le fisc, qui exigera dans ce cas qu’un intérêt fictif soit calculé.

 

4.5. Le fisc ne peut pas toujours imposer un avantage en nature!
4.5.1. Vous avez une dette vis-à-vis d’une société dont vous n’êtes pas le dirigeant

La condition de base qui autorise le fisc à imposer un avantage en nature pour « prêt sans intérêt » est l’existence d’un lien avec l’activité professionnelle du débiteur (Com. IR 32/13). Il ne peut donc pas être question d’avantage en nature si vous n’êtes pas dirigeant (administrateur ou gérant) de la société!

S’il n’y a pas de lien avec l’activité professionnelle, le fisc ne peut pas vous imposer sur les intérêts fictifs. Cela est par exemple le cas si vous êtes uniquement actionnaire de la société qui vous octroie le prêt sans intérêt...

Mais si le fisc ne peut pas vous imposer sur un avantage en nature, il imposera la société sur un avantage anormal. Les sociétés sont, en effet, imposables sur les avantages anormaux qu’elles accordent à un tiers (montant à reprendre en dépenses non admises).

Il n’est donc pas surprenant qu’en pratique, dans certains cas, des contribuables essaient d’échapper à la taxation d’un avantage en nature en soutenant qu’ils ont obtenu un prêt sans intérêt en leur qualité d’actionnaire et pas en leur qualité de dirigeant.

La jurisprudence n’est malheureusement pas très favorable à de tels arguments. La plupart des décisions de jurisprudence ont en effet admis que, pour la taxation d’un avantage en nature, il suffit qu’un certain lien de causalité existe entre l’activité du contribuable en tant que dirigeant d’entreprise et l’avantage en nature (p.ex. Anvers, 22.05.2013; Bruxelles, 16.10.2008; Gand, 25.01.2000; Liège, 18.02.1998).

Il a aussi été décidé que l’octroi d’un prêt sans intérêt à un actionnaire est contraire à l’objectif de lucre d’une société. Le fait qu’un seul actionnaire-dirigeant bénéficie d’un prêt sans intérêt alors qu’il y a plusieurs actionnaires est aussi un argument en faveur du fisc.

 

4.5.2. Vous avez hérité du compte courant

Quand une personne hérite d’une dette en compte courant suite au décès de son conjoint ou parent, elle n’est, en principe, pas imposable sur un avantage en nature pour prêt gratuit. L’imposition d’un avantage en nature requiert en effet l’existence d’un lien avec l’activité professionnelle qui n’est, dans cette hypothèse, pas présent (trib. Anvers, 27.02.2004)!

 

5. Quelles sont les conséquences d’un compte courant débiteur pour votre société?

5.1. Votre société peut-elle déduire les retraits opérés via le compte courant?

Non! Des retraits ou prélèvements par le compte courant ne constituent pas des dépenses déductibles pour votre société. Ces retraits ne constituent pas des charges comptabilisées dans le compte de résultat, mais sont comptabilisés comme des prêts que la société vous accorde.

 

5.2. Pas reçu mais quand même imposable?

Au lieu de déclarer un avantage en nature de par exemple 5 000 € pour l’octroi d’un prêt sans intérêt, il arrive fréquemment que les 5 000 € soient comptabilisés dans votre compte courant. Le solde de votre compte courant débiteur est donc augmenté de ce montant. De cette manière, vous n’êtes pas imposé sur l’avantage en nature...

On se demande souvent si, dans ce cas, la société est imposable sur les intérêts comptabilisés, car ceux-ci ne sont pas effectivement perçus.

Il est en effet exact que la société ne perçoit pas d’argent, car vous n’avez pas effectivement payé ces 5 000 €, ils sont seulement comptabilisés au compte courant. Par cette compta­bili­sa­tion, votre société a toutefois bien une créance supplémentaire sur vous. Votre société a une créance « certaine et liquide », ce qui constitue bien un revenu imposable pour elle (Com. IR 24/6 et art. 183 WIB 92).

Pour votre société, la question de savoir si elle reçoit effectivement l’argent ou non n’est donc pas relevante. La comptabilisation d’une créance constitue un revenu imposable.

 

6. Devez-vous au final rembourser votre société?

6.1. Il faudra bien un jour rembourser...

Il n’y a, en soi, pas de délai légal dans lequel vous devez rembourser le solde du compte courant à votre société, ce qui est heureux mais aussi dangereux. Il est en effet tentant d’utiliser les fonds de la société pour payer des dépenses personnelles. Vous ne supportez en effet pas personnellement le coût de ces dépenses, mais elles sont comptabilisées au débit de votre compte courant.

Vu les nombreux inconvénients liés à un compte courant débiteur, il est donc préférable de rembourser votre dette aussi vite que possible.

 

6.2. Que se passe-t-il si vous vendez votre société? La dette doit-elle être remboursée?

Si vous avez l’intention de céder votre société, vous serez très probablement contraint de rembourser votre compte courant. Le repreneur ne voudra en effet certainement pas de votre compte courant. Ce n’est pas sa dette, mais la vôtre.

En conséquence, votre dette vis-à-vis de la société viendra en diminution du prix de cession ou il vous sera demandé de la rembourser avant la réalisation de la cession.

Le bénéfice éventuel que vous avez réalisé suite à la vente pourra ainsi être significative­ment réduit si vous prenez en compte le remboursement d’un compte courant...

 

6.3. Que se passe-t-il si votre société est liquidée ? La dette disparaît-elle ?

Vous avez, par exemple, une société de management que vous n’allez, en principe, jamais céder, mais qui sera liquidée lorsque vous cesserez vos activités. Au moment de la liquidation, la société vous distribue en principe ses réserves et son capital.

Ce qui se passe à ce moment avec votre compte courant dépend de son montant au moment de la liquidation.

Si le montant du compte courant est inférieur au montant que la société peut vous distribuer alors il n’y a pas de problème. Ce que vous devez rembourser à la société vient en diminution du boni de liquidation.

Dans certains cas, le montant du compte courant peut toutefois être supérieur au montant que la société peut vous distribuer comme réserves et capital. Dans ce cas, il arrive que la société abandonne sa créance. Cela semble bien, mais le fisc ne voit pas cela de manière positive (art. 32 CIR 92). Il pourrait considérer que cet abandon de créance constitue un avantage imposable au titre de rémunération de dirigeant et donc vous réclamer des impôts et des cotisations sociales sur ce montant.

 

6.4. Que se passe-t-il en cas de faillite? La dette disparaît-elle?

Certainement pas. Dans ce cas, une des premières choses que le curateur va faire est de vous demander de rembourser votre dette. Et dans ces circonstances, la pilule de la faillite risque de vous apparaître encore plus amère...

 

7. Comment se débarrasser d’un compte courant débiteur?

7.1. Vous pouvez vous verser une rémunération complémentaire

Le problème d’un compte courant débiteur peut être résolu par l’octroi d’une rémunération complémentaire. Pour votre société, cette rémunération est déductible fiscalement, et vous disposez alors d’argent pour rembourser votre compte courant. Il y a cependant un « mais » important associé à cette solution.

Vous serez imposé sur la rémunération qui vous est accordée à un taux qui s’élèvera vite à 50 % (hors additionnels communaux) (art. 130 CIR 92 et art. 178 CIR 92 concernant l’indexation annuelle). Cette rémunération est en outre soumise aux cotisations sociales d’en principe 20,5% (+ frais administratifs).

Il est évident que l’octroi d’une rémunération ne sera, dans la plupart des cas, pas une bonne solution!

 

7.2. Vous pouvez emprunter des fonds pour rembourser votre compte courant

Parfois, certains dirigeants empruntent auprès d’une banque les fonds nécessaires pour rembourser leur compte courant. De cette manière, il est parfois possible d’obtenir un taux d’intérêt plus avantageux que le taux légal appliqué par le fisc pour un compte courant débiteur.

L’inconvénient de cette solution est que vous devrez avoir des revenus suffisants pour rem­bourser votre emprunt bancaire. Il est en outre probable que votre banquier vous imposera un plan de remboursement relativement strict. Il faut enfin noter que les intérêts payés à la banque ne sont pas déductibles fiscalement dans votre chef.

 

7.3. Vous pouvez vous octroyer un dividende
7.3.1. Quelles conséquences pour vous?

Une possibilité intéressante pour faire disparaître votre compte courant débiteur est de faire distribuer un dividende par votre société.

Pour ce faire, votre société doit vous accorder un dividende qui, en net, correspond au montant de votre compte courant. Le paiement d’un dividende est en principe soumis au précompte mobilier de 30 % (art. 269, §1, 1° CIR 92). Avec ce que vous économisez en impôts et cotisations sociales sur les intérêts fictifs, vous avez récupéré ce précompte mobilier après 7 à 8 ans en principe.

Exemple

Pour vous octroyer un dividende net de 20 000 €, votre société doit vous attribuer un dividende brut de 28 571,42 € (20 000 € / 70 x 100) si on tient compte du précompte mobilier de 30 %. Vous payez donc une fois un précompte mobilier de 8 571,42 € (pas d’additionnels communaux et pas de cotisations sociales). Si vous tenez compte d’un avantage de 1 788€ par an (20 000€ x 8,94% (le taux d’intérêt appliqué par le fisc pour 2018 est de 8,94), imposé à 60% en prenant en compte les additionnels communaux et les cotisations sociales, vous ferez donc un profit après huit années (1 788 € x 60 % x 9 = 8 528,40 €). Donc presque le même montant que le précompte mobilier de 8 751,42€. Autrement dit, vous avez « récupéré » le précompte mobilier après environ huit ans.

Conseil. Dans certains cas, une société peut bénéficier d’un précompte mobilier réduit à 20 % ou à 15 %. Il s’agit du régime dit « VVPR bis » (art. 269, §2 CIR). Ou encore d’un précompte mobilier de 17% ou 5% pour les dividendes provenant d’une réserve de liquidation (art. 59, §1, 8° CIR 92) et (pour les grandes sociétés) de 10% ou 5% pour la distribution anticipée de réserves réincorporées au capital (art. 537 CIR 92).

Si vous distribuez un dividende moyennant un tel précompte mobilier réduit afin d’apurer votre compte courant, le précompte mobilier sera récupéré plus rapidement.

 

7.3.2. Quelles conséquences pour votre société?

Pour votre société, l’attribution d’un dividende n’est pas déductible fiscalement (art. 185, §1 CIR 92).

Jusqu’à l’exercice d’imposition 2018 (exercice 2017 ou 2017-2018), votre société était en outre exclue du taux réduit à l’impôt des sociétés si elle distribuait un dividende de plus de 13% du capital au début de la période imposable (art. 215, al.3, 3° CIR 92). La loi de réforme de l’impôt des sociétés du 25.12.2017 a supprimé cette condition pour bénéficier du taux réduit à compter de l’exercice d’imposition 2019.

 

7.4. Vous pouvez vendre un bien à la société

Étant donné que votre société est une personne morale distincte, vous pouvez lui vendre des biens. Est visée la situation où une personne vend un bien privé à sa société.

Pour pouvoir parler de vente, la cession doit être effectuée à titre onéreux. Autrement dit, il faut quelque chose en échange. Vous voulez vous débarrasser de votre dette en compte courant.

Vous pouvez, par exemple, vendre des meubles, un véhicule, etc. La question est évidem­ment de pouvoir vendre suffisamment pour pouvoir faire disparaître le compte courant.

Voilà pourquoi on examine s’il n’y a pas des immeubles qui peuvent être vendus à la société. La vente de votre habitation privée à votre société est moins simple (il faut passer devant un notaire, un acte est requis, les droits d’enregistrement sont dus, etc.) que la vente de votre voiture à votre société, mais ce n’est certainement pas impossible.

Le prix de vente doit être fixé sur la base de la valeur de marché des biens cédés. La question à se poser est la suivante: est-ce qu’un tiers aurait accepté de payer le même prix?

Votre logement sera alors dans votre société, ce qui signifie que vous devez déclarer chaque année un avantage imposable « logement gratuit ».

Retirer ultérieurement votre logement de votre société n’est pas si évident et peut coûter cher. Parlez-en au préalable avec votre comptable.

Pour votre défense en cas de litige avec votre contrôleur, il est également conseillé de faire réaliser un rapport d’évaluation du logement ou de conserver les factures d’achat de vos meubles p.ex.